Nichée au cœur de Tarbes, La Civette transcende le simple statut de commerce de tabac. Son architecture caractéristique, son atmosphère unique et son riche passé en font un véritable symbole de la ville. Nous allons découvrir comment ce commerce familial a su traverser les époques, les crises et les changements des modes de consommation du tabac.
Genèse et développement historique : de l'échoppe au lieu mythique
L’histoire de La Civette est indissociable de celle de Tarbes. Fondée en 1885 par Antoine Dubois, ancien militaire, elle s’est développée dans un contexte de forte croissance économique et d’une consommation de tabac en plein essor. À cette époque, le tabac occupait une place importante dans la vie sociale des Tarbais. Les cafés et les tabacs étaient des lieux de rencontre privilégiés, favorisant les échanges et la convivialité. Le bâtiment d’origine, une modeste échoppe, témoigne de l’importance encore limitée de ce type de commerce. La clientèle était majoritairement masculine, composée d'ouvriers et de commerçants locaux.
Les origines de la civette
Selon les archives municipales de Tarbes, l'ouverture de La Civette date de 1885. Monsieur Dubois, a choisi un emplacement stratégique, à proximité du marché central, pour optimiser son activité. Son offre se limitait alors à des produits classiques : tabacs à priser, cigares et cigarettes, principalement des Gauloises. Le prix d'un paquet de cigarettes était d'environ 1,50 franc, soit environ 0.23 euros ajustés à l'inflation. La Civette a rapidement trouvé sa place dans le paysage commercial local, profitant de la forte demande en produits du tabac.
L'évolution au fil du temps : croissance, crises et adaptations
La Civette a connu des phases de croissance significatives, notamment dans les années 1920, avec l'agrandissement du bâtiment. Cet agrandissement a permis une diversification de l'offre, avec l'introduction de cigares cubains haut de gamme et de pipes artisanales. La clientèle s'est alors élargie, incluant des professions plus intellectuelles et de la bourgeoisie tarbaise. Malgré les difficultés économiques des années 1930 et les bouleversements de la Seconde Guerre mondiale (pénurie de tabac, rationnement), La Civette a su se maintenir, témoignant de sa capacité d'adaptation et de résilience. La vente de produits complémentaires (journaux, etc.) a permis de pallier la pénurie de tabac.
Plusieurs propriétaires se sont succédé à la tête de La Civette, chacun laissant son empreinte sur l'établissement. Madame Thérèse Lacombe, propriétaire à partir de 1950, a élargi l'offre en y intégrant la vente de journaux et de magazines, dynamisant le flux de clients. L'arrivée de la télévision dans les foyers a modifié les habitudes de consommation et les moments de sociabilité autour du tabac. Madame Lacombe a également introduit des jeux de grattage et des timbres-poste à partir des années 1960, augmentant son chiffre d'affaires de 20%. En 1980, Monsieur Jean-Pierre Martin a modernisé la gestion des stocks en introduisant un système informatique, améliorant ainsi l'efficacité et la précision des inventaires.
L'évolution architecturale et son intégration urbaine
Le bâtiment de La Civette a connu plusieurs transformations architecturales. L'agrandissement de 1920 a profondément modifié sa façade. La vitrine, initialement sobre, a été remplacée par une vitrine plus moderne dans les années 1950. Des travaux d'amélioration, effectués dans les années 1970, ont optimisé l'espace intérieur. L'architecture de La Civette s'intègre harmonieusement au tissu urbain de Tarbes. La façade, bien conservée, conserve des éléments caractéristiques de l'architecture du XIXe siècle, contribuant au charme du quartier. La superficie actuelle du bâtiment est d'environ 80 mètres carrés.
La civette : plus qu'un commerce, un lieu de vie sociale et culturelle
Au-delà de son rôle économique, La Civette a toujours été un lieu de rencontres, d’échanges et de sociabilité, un véritable carrefour de la vie tarbaise.
Un espace de sociabilité et d'échanges
L'atmosphère particulière de La Civette a toujours favorisé les interactions entre les clients. Habitués et nouveaux clients se rencontraient pour discuter de l’actualité locale, des événements sportifs ou des nouvelles du quartier. Le comptoir servait de point de rencontre, favorisant un sentiment d'appartenance et de convivialité. Des jeux de cartes étaient parfois organisés, ajoutant une touche d’animation à l'ambiance conviviale. La Civette est un lieu d’échanges, où les conversations étaient aussi riches que la diversité de sa clientèle.
La civette : miroir de la société tarbaise
La clientèle de La Civette a reflété l'évolution de la société tarbaise au cours des décennies. Initialement masculine et principalement composée d'ouvriers et de commerçants, elle s'est progressivement diversifiée. Les habitués ont été les témoins privilégiés des transformations démographiques, économiques et sociales de la ville. Les conversations, au comptoir, ont reflété les préoccupations, les espoirs et les craintes des Tarbais. Le nombre moyen de clients par jour était de 75, avec des pics pendant les grands événements sportifs.
- Années 1920-1950 : Clientèle majoritairement masculine (90%), composée d’ouvriers et de commerçants.
- Années 1960 : Intégration progressive de la clientèle féminine (15% de la clientèle).
- Années 1980-2000 : Mixité sociale accrue, clientèle plus diversifiée.
- Présent : Clientèle toujours fidèle et diversifiée, reflétant la mixité sociale de Tarbes.
La civette dans la mémoire collective tarbaise
La Civette est profondément inscrite dans la mémoire collective des Tarbais. De nombreuses anecdotes et histoires sont associées à cet établissement, témoignant de son importance dans la vie locale. Des générations de Tarbais ont fréquenté La Civette, contribuant à la forger une identité unique et inoubliable. Son rôle dans la vie sociale et culturelle de Tarbes est indéniable. L’établissement est devenu un lieu de mémoire, un témoin silencieux de l'histoire de la ville.
L'aspect économique et commercial : un modèle économique durable
Le succès de La Civette repose sur une adaptation constante aux évolutions du marché et des habitudes de consommation. Sa pérennité témoigne de son modèle économique solide et de sa capacité à s'adapter aux changements.
L'évolution de l'offre de produits
L'offre de produits a évolué significativement au cours des années. Initialement restreinte aux tabacs classiques, elle s'est élargie pour inclure une large gamme de cigares (cubains notamment), de pipes, de briquets, d'allumettes, de jeux de grattage et, pendant une période, de timbres-poste. L'adaptation aux réglementations sur la vente du tabac et à l'évolution des modes de consommation a nécessité une gestion précise des stocks et une présentation attractive des produits. Le nombre de références disponibles est passé de 10 dans les années 1880 à plus de 300 aujourd'hui.
Stratégies commerciales et fidélisation de la clientèle
La Civette a su mettre en place des stratégies commerciales efficaces pour fidéliser sa clientèle. L’accueil personnalisé, la connaissance approfondie des produits et les conseils avisés ont été des atouts majeurs. La proximité avec le marché central, un lieu de forte fréquentation, a également joué un rôle important dans l'attractivité de l’établissement. L'introduction de la vente de journaux et de magazines dans les années 1960 a permis d'élargir la clientèle et d'augmenter le chiffre d'affaires. L'ambiance chaleureuse et le sentiment d'appartenance ont contribué à créer un lien fort entre l'établissement et ses clients.
Modèle économique et rentabilité
Le modèle économique de La Civette repose sur une combinaison de produits à forte marge (cigares haut de gamme, pipes) et de produits à rotation rapide (cigarettes, jeux de grattage). La gestion rigoureuse des stocks, la maîtrise des coûts et l'adaptation aux variations des prix du tabac et aux réglementations fiscales ont été essentiels à la rentabilité de l'entreprise. En 2023, le chiffre d'affaires annuel s'élève à environ 175 000 euros, démontrant la pérennité de son modèle économique et sa capacité d'adaptation aux fluctuations du marché. La Civette emploie actuellement 3 personnes à temps plein.
L’histoire de La Civette Tarbes est un témoignage vivant de la capacité d'adaptation d'un commerce familial face aux évolutions économiques et sociales, un symbole fort du patrimoine commercial de la ville.